Cultiver l’esprit pionnier

4 attitudes que doivent adopter les dirigeants pour que leur entreprise conserve l’élan de ses premières années.
Anthony Pannozzo et Linda Quarles

Lorsque le fondateur visionnaire d’une entreprise s’en va, cela engendre inévitablement une certaine appréhension chez ceux qui restent. Récemment, un de nos clients qui se trouve précisément dans cette situation nous a fait part de l’anxiété qui règne chez les collaborateurs, d’autant plus que cette multinationale en forte croissance a dernièrement laissé passer des opportunités importantes et ne peut pas se permettre d’autres faux-pas.

Les entrepreneurs qui ont connu de grands succès laissent souvent aux organisations qui leur survivent un héritage culturel fort et vital. À mesure que les entreprises gagnent en maturité, leur culture évolue. Le « nous n’avons rien à perdre » de l’innovation et de la disruption est peu à peu supplanté par un « nous avons tout à perdre » car la multiplication des investisseurs et des parties prenantes se traduit par une demande accrue de stabilité et de rendements réguliers.

Les incitations à produire sans relâche des résultats sont fortes, si fortes même qu’elles créent un état d’esprit particulier qui, par conséquent, fait envisager les choses sous un certain angle. Nous pourrions baptiser cet état d’esprit « la mentalité du gestionnaire ». Dans le cas du client évoqué plus haut, ses concurrents sont des startups qui ont clairement vu les opportunités à côté desquelles il passait. En conséquence, l’entreprise n’a pas seulement gâché le potentiel que lui offraient ces marchés émergents, mais elle a aussi déçu les investisseurs qu’elle cherchait pourtant à satisfaire et qui ont finalement réévalué leurs participations en se tournant vers d’autres gisements de croissance.

Les occasions manquées forment le terreau des crises de confiance, lesquelles soulèvent à leur tour des questions auxquelles on ne peut échapper : Ces accrocs sont-ils les signes avant-coureurs de difficultés plus profondes ? Avons-nous perdu ce qui faisait notre magie ? Et surtout : Que faut-il faire autrement pour ne pas laisser passer la prochaine occasion ?

De telles interrogations sont monnaie courante. Notre client s’est rendu compte que la maturité nouvelle de l’entreprise – et, plus spécifiquement, le fait qu’une mentalité de gestionnaire avait remplacé l’esprit pionnier de son fondateur – était à l’origine de son questionnement.

« Le succès engendre la complaisance. »
Andrew Grove, cofondateur et ancien PDG d'Intel

Qu’est-ce que l’esprit pionnier ?

Chez frog, nous travaillons avec des créateurs d’entreprise depuis nos propres débuts, il y a plus de cinquante ans. Nous avons notamment travaillé avec Akio Morita, le fondateur de Sony, et Steve Jobs, le fondateur d’Apple, parmi des dizaines d’autres visionnaires. Les entrepreneurs sont devenus pour nous un segment de clientèle à part entière, si important que nous avons créé une pratique dédiée de Venture Design avec une approche, un processus et un modèle de revenus adaptés aux besoins de ces clients particuliers.

Comprendre ce segment de clientèle a été essentiel pour développer notre pratique de Venture Design et, plus généralement, de notre activité. En effet, nous aidons toutes sortes d’organisations matures à remettre en question le statu quo en retrouvant et en ravivant l’état d’esprit de leur fondateur après le départ de celui-ci.

Au fil des ans, nous avons identifié chez les entrepreneurs à succès quatre attributs clés qui définissent leur esprit pionnier :

  • la vision : la capacité à discerner des opportunités là où les autres en sont incapables et à envisager un futur où ces opportunités sont devenues des réalités sous la forme d’un produit ou d’un service.
  • la narration : la capacité à articuler et à communiquer clairement cette vision, et à créer chez les gens une conviction telle qu’ils s’investissent, par leurs capitaux ou par leur travail, pour la concrétiser.
  • la résilience : la capacité à poursuivre sans relâche l’accomplissent de sa vision en dépit des obstacles et des revers.
  • le jugement : la capacité à connaître ses forces et ses faiblesses, ainsi qu’à écouter les commentaires argumentés et à en tirer parti.

Ces quatre attributs se déploient en un ensemble complexe de compétences et d’aptitudes qui, réunies, permettent à ces entrepreneurs de réussir là où beaucoup échouent.

Comment avoir soi-même l’esprit pionnier ?

Nous avons vu des entreprises faire face à la perte de leur esprit pionnier, ou à la nécessité de le contrebalancer avec une mentalité de gestionnaire, en créant une équipe spéciale, par exemple un centre d’excellence (CoE). Fonctionnant de façon quasi-indépendante de l’activité principale, le CoE a vocation à incarner l’esprit du fondateur au sein de l’organisation. Cette approche a pu connaître quelques succès, mais, en général, il s’avère extrêmement difficile de développer une vision de l’avenir et de faire émerger des innovations majeures par cette méthode.

Il y a de nombreuses raisons à cela. L’un des problèmes récurrents que nous avons observé dans ce type de scénario est que le principal mécanisme de changement devient la négociation entre l’activité principale et le CoE ou les équipes porteuses de projets disruptifs. Mais la négociation suppose des compromis sur les besoins des uns et des autres, demande un temps que la plupart des entreprises n’ont pas, et perturbe l’harmonie entre les équipes et l’unité de l’organisation.

4 façons de rester visionnaire
Certes, il existe des tensions négatives comme positives. Nous pensons qu’une façon optimale de parvenir à un équilibre est de faire en sorte que tous les dirigeants aient à la fois une mentalité de gestionnaire et un esprit pionnier. Une telle transformation organisationnelle n’a rien d’évident et ne peut se faire du jour au lendemain. Néanmoins, il existe des habitudes et des pratiques spécifiques que l’on peut adopter facilement et sans délais. Ci-dessous, nous en détaillons quatre qui, selon nous, constituent un excellent point de départ :

1. Dire « Oui, et… »

Si vous avez étudié l’innovation ou l’improvisation, on vous aura certainement parlé du pouvoir des mots : « oui, et… ». Malheureusement, aujourd’hui, la quête de l’excellence opérationnelle consiste souvent à trouver comment dire « non, mais… » aux idées qui n’ont pas fait leurs preuves ou qui ne sont pas familières. Introduire « oui, et… » lors d’une discussion à propos d’une idée nouvelle va non seulement augmenter l’énergie positive au sein de l’équipe, mais aussi encourager chacun à s’appuyer sur l’idée, qui s’enrichira ainsi de la diversité des points de vue et bénéficiera d’une plus grande appropriation.

2. Demandez-vous ce que vous ignorez à propos de votre client

Nous sommes tous coupables de croire que nous connaissons bien notre client. Mais la connaissance que nous en avons est fondamentalement biaisée car nous ne cherchons à le comprendre qu’au prisme de nos motivations professionnelles. Aussi, la prochaine fois que vous discuterez de l’identité de votre client ou de ce qu’il désire, posez-vous la question suivante : « suis-je absolument sûr de ce que j’avance, ou devrais-je demander son avis à un vrai consommateur ? » Ce consommateur témoin peut être un collègue de votre service, un membre de votre équipe ou un employé administratif. Demandez leur avis aux utilisateurs très tôt, souvent, et incorporez leurs commentaires à vos réflexions.

3. Pour savoir, testez !

Parfois, échanger avec quelques utilisateurs suffit pour obtenir des avis précieux. Mais le plus souvent, lorsque vous imaginez quelque chose de nouveau, vous devez réaliser un prototype afin que les gens comprennent clairement de quoi il s’agit et puissent vous faire part d’une opinion pertinente. Les expériences peuvent être réalisées à petite échelle et elles doivent être conçues, si possible, dans l’objectif de tester un aspect à la fois. Combien le produit doit-il coûter ? Faites un test. Quel doit être son poids ? Faites un test. Doit-il être rond ou carré ? Bleu ou rouge ? Étroit ou large ? Vous voyez où je veux en venir : testez et testez encore jusqu’à avoir toutes vos réponses.

4. Répétition et réflexion

Vous souvenez-vous de la scène du film Karate Kid où le héros, Daniel, s’entraîne à cirer et décirer une voiture ? M. Miyagi lui fait répéter inlassablement ce geste anodin afin d’éduquer sa mémoire musculaire en vue du combat contre Cobra Kai. Vous pouvez appliquer le même principe. Pratiquez l’esprit pionnier chaque fois que vous créez une feuille de calcul, que vous remplissez les étagères de votre cuisine, que vous préparez des slides, que vous menez une réunion. Si vous n’avez cette attitude que pour les activités liées au produit ou au marché, vous n’aurez pas développé les bons réflexes. L’objectif est de trouver votre équilibre, c’est-à-dire de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Et la seule façon de le savoir est d’examiner vos résultats. Vous constaterez peut-être que dans certaines situations, la mentalité du gestionnaire est la meilleure façon d’aborder le problème. Et vous découvrirez probablement que certaines choses sont beaucoup plus faciles à réaliser que d’autres. Sans prendre ce temps de réflexion, vous ne serez pas en mesure d’atteindre l’équilibre.

Et maintenant, à vous de jouer !

Cet échantillon de compétences à développer fait partie d’une de nos offres baptisée Founder’s Workout, « l’entraînement du fondateur ». Elle consiste en une évaluation complète de l’état d’esprit et des capacités de votre équipe de direction assortie d’un plan d’action pour mettre aussitôt ces compétences à l’œuvre pour relever de véritables défis commerciaux. Pour en savoir plus sur le Founder’s Workout de frog et sur la manière dont il peut créer de la valeur pour votre entreprise, n’hésitez pas à nous contacter.

Les auteurs
Anthony Pannozzo
Head of frog Amérique du Nord
Anthony Pannozzo
Anthony Pannozzo
Head of frog Amérique du Nord

Anthony dirige une équipe de designers, de strategists et de data scientists dans la création d’expériences sans couture pour les clients et les consommateurs du monde entier.

Linda Quarles
Executive Director, Design organisationnel
Linda Quarles
Linda Quarles
Executive Director, Design organisationnel

Linda propose un large éventail de services de conseil pour renforcer les capacités et améliorer les performances organisationnelles de ses clients dans le monde entier. Après plus de deux décennies passées à mener des transformations organisationnelles de l’intérieur, Linda fait preuve d’empathie envers les leaders qui conduisent le changement de culture, l’innovation et la croissance dans des organisations allant des startups aux compagnies du CAC 40.

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